Depuis la rentrée 2024, les élèves de deux classes de 1ère SAPAT du lycée Ker Anna à Kervignac (56) participent à un projet inclusif et innovant dans le cadre du module MP8 du Bac PRO Service Aux Personnes et Aux Territoires. Il vise à accompagner des personnes en situation de handicap dans l’apprentissage et l’utilisation des outils numériques et de proposer aux élèves des mises en situation professionnelle réelles.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une recherche-action menée au sein du réseau Racine :
« Autonomie numérique des élèves dans leur vie professionnelle et citoyenne : quel accompagnement pour les enseignants dans le cadre de la rénovation du bac professionnel ? Exemple du SAPAT (Services Aux Personnes et Aux Territoires) ».
Le projet s’adresse aux :
- Élèves du dispositif ULIS du lycée, encadrés par Mme Gouello, enseignante spécialisée ;
- Résidents d’un foyer pour adultes en situation de handicap à Hennebont, sous la responsabilité de Mme Dupent, éducatrice spécialisée.
L’objectif est de favoriser les échanges en offrant aux élèves du lycée l’opportunité de partager leurs compétences numériques. Ils profitent, en retour, de l’accompagnement des encadrants et de la valorisation des participants en situation de handicap, fiers de jouer un rôle actif dans l’obtention de leur Bac. L’élève est amené à se poser la question : « comment adapter ma posture professionnelle (place élève) pour répondre à la demande d’accompagnement (place personne accompagnant) et transmettre mes connaissances numériques (place enseignant) ? »
Les élèves et les personnes accompagnées fonctionnent en binôme sur des ateliers liés à l’usage du numérique : playlist YouTube, création de comptes e-mail, recherche d’informations…
Le projet est mutuellement bénéfique pour les participants.
Il permet aux :
- Élèves une montée en compétences dans le relationnel et dans les outils nécessaires à l’accompagnement de populations fragilisées… (développement des CPS)
- Personnes accompagnées volontaires d’apprendre à mieux maîtriser les outils numériques dans une relation individuelle et sécurisée.
Avant de commencer les séances, les élèves ont été sensibilisés à la situation de handicap en classe entière par Mme Dupent et Mme Gouello. Par la suite, le schéma est le même pour chaque élève : Ils travaillent sur 3 séances avec les personnes accompagnées.
Trois objectifs principaux sont poursuivis tout au long de l’accompagnement :
- Établir une relation de confiance avec la personne accompagnée en clarifiant ensemble ses attentes et ses besoins, tout en tenant compte des compétences numériques et des possibilités d’accompagnement des élèves.
- Favoriser l’interaction et l’engagement à travers une approche bienveillante, en permettant aux élèves d’expérimenter concrètement l’accompagnement dans un cadre sécurisé.
- Développer un projet d’accompagnement numérique collaboratif, en mettant en application les connaissances des élèves et en les adaptant aux besoins spécifiques de la personne accompagnée.
Témoignages des participants :
Tommy : Depuis que je viens au lycée, j’adore aller à Keranna. Le cadre est agréable. Les élèves sont gentils et accueillants. Ils nous aident beaucoup pour internet et « tout ça ». Je ne pensais pas qu’ils avaient autant de culture et de connaissances car ils sont jeunes. Nous on est adultes et ils nous aident à aller de l’avant.
Laouën (aidé de Mme Dupent) : Laouën ne parle pas avec des mots. Il exprime avec des gestes que « venir à Keranna est important pour lui et pour ses parents ». En effet, il a une tablette personnelle et le travail avec Keranna permet de créer des outils accessibles pour lui et ses parents afin de mieux utiliser la tablette.
Maïwenn (élève de 1ère) : J’étais en duo avec Léna. J’ai beaucoup apprécié cette expérience. J’ai préféré travailler en situation réelle plutôt qu’en classe avec des camarades. J’espère que j’ai pu lui apporter de bonnes connaissances.
Diego (élève de 1ère) : J’ai apprécié de travailler avec Laouën malgré le fait qu’il ne parlait pas. J’ai donc dû m’adapter et apprendre avec les gestes.
Mary-Loue (élève de 1ère) : J’ai beaucoup aimé travailler avec Tommy. Il est très intéressé par ce qu’on lui explique. Il comprend bien ce qu’on lui dit et je suis très contente de ce qu’il a fait
Madame Dupent, éducatrice spécialisée du foyer :
Je fixe en amont les objectifs à travailler avec les personnes pour qu’ils répondent à ceux du Projet d’Accompagnement Personnalisé. Pour les personnes en situation de handicap, il n’y a pas d’attente en termes de résultats, c’est à chaque participant de construire la relation de partenariat. J’ai proposé des fiches guides aux élèves pour leur permettre de donner du sens à leur accompagnement. C’est un projet d’utilité sociale qui permet, par la rencontre, de créer un lien pour ces futurs professionnels vis à vis des spécificités de l’accompagnement de personnes en situation de handicap intellectuel.
Madame Gouello, enseignante coordinatrice du dispositif ULIS :
J’accompagne les élèves de 1ère lors des séances en leur apportant des connaissances sur le handicap, des outils d’accompagnement et des astuces pratiques. J’enrichis leur posture professionnelle et l’ajuste en fonction des besoins spécifiques et des réalités du terrain. Ma connaissance des élèves du dispositif ULIS, ainsi que ma pratique pédagogique, permet aux élèves en situation de handicap de se sentir en confiance et de vivre un moment agréable et constructif.
Monsieur Perez, enseignant en TIM :
Je m’assure que les élèves se réapproprient leurs connaissances en numérique vues en cours d’informatique et de multimédia afin de mettre en pratique leurs connaissances numériques. A l’inverse, le retour des élèves me permet d’ajuster mes cours. La plupart du temps, les élèves ressentent la nécessité de s’investir davantage dans l’apprentissage de la matière car la mise en expérimentation rend réelle l’utilisation des connaissances. Ainsi, l’élève prend conscience de ce qu’il doit approfondir et peut se sentir plus impliqué dans cet apprentissage. Le guidage par les fiches de travail l’incite à anticiper, à s’investir et à nourrir sa pratique de l’outil numérique. Le numérique devient alors un réel outil de l’accompagnement. Mon rôle consiste à évaluer, tout au long de l’expérience, les progrès des élèves dans leur aptitude à transmettre des connaissances numériques en s’adaptant aux besoins et aux profils des différents publics accompagnés.
L’alignement pédagogique est respecté
En impliquant les élèves dans des projets concrets et interactifs de ce type, nous encourageons l’engagement des élèves en donnant du sens aux apprentissages et en favorisant l’expression des émotions (tout en gardant une distanciation professionnelle).
Je profite de l’expérience des collègues du réseau Racine, piloté par Marion Amy, consultante-formatrice IFEAP, et Bruno Terrasson, chargé de mission numérique et innovation du CNEAP ainsi que de l’expertise de M. Devauchelle, formateur-chercheur TIC et éducation
Je remercie notre direction pour la confiance accordée à ces projets.
Mme Gouello, Mme Dupent, M. Perez